La Machine, l’art de la rue de Nantes aujourd’hui à la Roche sur yon demain!

La Machine 08/07/2012 à 12h11

Eléphant, araignées… des machines pour « perturber » la ville

Gaël Bocande

Depuis 1999, la compagnie La Machine construit de gigantesques bestioles mécaniques sorties du cerveau de François Delarozière. Eléphant, poissons, araignées peuplent la ville de Nantes où la compagnie s’est établie. Visite d’atelier, en compagnie du capitaine de ce drôle de bateau.

Un bruit sourd et familier annonce l’arrivée du monstre : un barrissement d’éléphant résonne en plein cœur de Nantes. Puis le pachyderme mécanique de 50 tonnes et de 12 mètres de haut se profile. A son bord se trouvent 50 passagers ébahis. C’est le « Grand Eléphant » de la compagnie La Machine.

Non loin de là, des sculpteurs, ingénieurs, électriciens, techniciens et peintres s’affairent dans l’atelier nantais de la compagnie.

Dans l’atelier de La Machine

« Des objets uniques »

Plus de 40 personnes conçoivent les gigantesques bestioles imaginaires qui en sortent :

« En fait, nous sommes tous des constructeurs de machines », précise Antoine Piffaut, ingénieur du bureau d’étude de la compagnie.

« Le boulot est le même que dans l’industrie, excepté le fait qu’ici, nous ne tavaillons pas sur des pièces de séries, mais sur des objets uniques. »

Et puis, il y a « le plaisir d’évoluer dans le monde de la culture, de toucher à tout, de pouvoir voyager pour accompagner les spectacles », ajoute le chaudronnier Quentin Mamet, son fer à souder en main.

Moteurs d’essuie-glaces et patins à roulettes

Aux commandes de ce chantier se trouve François Delarozière. Le fondateur de La Machine et directeur artistique ne veut pas entendre parler de hiérarchie et renvoie toujours au travail d’équipe.

« Je compare souvent mes dessins à une partition de musique sur laquelle chacun vient amener ses notes pour l’améliorer. »

Il dessine l’essentiel des machines qui sortent des ateliers nantais et toulousain.

François Delarozière, dans son atelier (Gaël Bocande/ Rue89)

François Delarozière est né à Marseille en 1962 où il a étudié aux Beaux-Arts. A l’époque, il concevait ses premières machines :

« Je fabriquais des petites machines avec des moteurs d’essuie-glaces ou des mécanismes de patins à roulettes. »

François Delarozière en 7 dates
1962 : naissance à Marseille. 1994 : premier dessin pour Royal de Luxe. 1999 : création de la compagnie La Machine. 2001 : dessin du « Grand Eléphant ». 2003 : La Machine ouvre un atelier à Nantes. 2007 : inauguration de la première tranche des Machines de l’île. 2012 : inauguration du Carrousel des mondes marins à Nantes.

Il s’essaie à la peinture, mais très vite, lui préfère « l’art qui sort dans la rue, qui va à la rencontre des gens ».

A 27 ans, il quitte la cité phocéenne pour Toulouse. Avec un ami décorateur, il fonde une petite association qui pose les jalons de la future compagnie La Machine.

Le travail avec des metteurs en scène de théâtre, la rencontre avec l’artiste Coréenne Soun-Gui Kim et sa première collaboration avec Royal de Luxe, dont il est longtemps le directeur artistique balisent son parcours.

« Ce qui m’a fait basculer dans le monde du mouvement, c’est le premier géant que j’avais dessiné pour Royal de Luxe en 1994. Ça a été une découverte sur l’assemblage des matières et le mouvement qui ont cette capacité à produire de l’émotion auprès du public. »

La taille d’immeubles de plusieurs étages

Depuis, de nombreux géants sont nés sur sa table à dessin. Loin du brouhaha de l’atelier, celle-ci est nichée au dernier étage de la maison qu’il habite, en bord de Loire, à quelques kilomètres de Nantes.

C’est ici que François Delarozière dessine et se documente :

« J’aime bien puiser dans ce que la nature nous offre, avec ce qu’elle a de repoussant et de doux à la fois. »

Le bestiaire essaime dans les villes du monde entier. Le génie de François Delarozière est d’avoir imposé son bestiaire imaginaire comme un outil d’architecture et d’urbanisme dans des villes du monde entier, avec des bestioles mécaniques dont la taille rivalise souvent avec des immeubles de plusieurs étages.

En plus de Nantes, un second atelier est situé à Tournefeuille, près de Toulouse. Depuis 2003, la compagnie construit des machines pour ses propres spectacles, comme « Les Mécaniques savantes » qui met en scène deux araignées mécaniques géantes.

La fable de l’araignée

Joué en 2008 à Liverpool alors que la ville était capitale culturelle européenne, le spectacle a attiré plus de 400 000 personnes et 600 000 l’année suivante à Yokohama au Japon.

Extrait des « Mécaniques savantes », de La Machine

« Les araignées racontent une histoire à une ville entière mais, ensuite, elles peuvent devenir des machines citoyennes et accompagner la ville dans son développement », observe François Delarozière.

« L’idée, c’est d’essayer de créer une espèce de perturbation sensible qui va nous amener à nous poser des questions sur la nature de la ville. »

Entre 2008 et 2010, les spectacles de la compagnie ont attiré plus de 1,2 million de personnes à travers le monde. La compagnie travaille également main dans la main avec des municipalités et des régions qui financent certains projets plus pérennes.

A Nantes, La Machine participe à un vaste plan de réaménagement de l’île de Nantes et des anciens chantiers navals en collaboration avec la municipalité. Les « Machines de l’île » est « un projet d’accompagnement urbain ».

« Ce qui est intéressant, c’est qu’avec le temps, la présence de ces perturbations transforme la ville », insiste le directeur artistique qui porte cette aventure avec Pierre Oréfice, complice et ami rencontré chez Royal de Luxe.

« Il y a une influence directe, un échange avec les habitants. Il y a dans l’idée de construire la ville, cette idée de patrimoine qui est un patrimoine physique, mais aussi ce qu’on appelle le patrimoine imaginaire. »

Un arbre de 50 m de diamètre

Ce patrimoine imaginaire s’enrichit aujourd’hui du « Carrousel des mondes marins », un manège de 24 m de haut construit sur l’île de Nantes et ouvert au public le 15 juillet prochain.

Sur trois niveaux – les fonds sous-marins, les abysses, la surface – le manège accueille jusqu’à 300 personnes et embarque 80 passagers dans d’envoûtantes créatures mécaniques faites de bois et de métal : « Le Bathyscaphe », « Le Nautile », « Le Poisson pirate »…

Autre machine prévue, « L’Arbre aux hérons » : un arbre de 50 m de diamètre et de 35 m de haut sur lequel on pourra se balader jusqu’au sommet où deux hérons mécaniques de 15 m d’envergure permettront de faire un vol à 45 m de haut.

A Toulouse, la compagnie travaille également sur un projet d’accompagnement urbain autour d’une piste aéronautique qui prévoit, entre autres, l’ouverture d’une écurie de machines entre 2013 et 2014.

A La Roche-sur-Yon, la compagnie va accompagner pendant un an, la réfection de la place Napoléon, au cœur du centre-ville. Des animaux mécaniques vont être installés dans des bassins. Le public pourra manipuler cette installation pérenne et gratuite depuis les berges. Le projet coûte 2,4 millions d’euros.

François Delarozière relativise :

« Quand on sait que 19 millions d’euros ont été mis dans la réfection des réseaux… »

Patrimoine imaginaire

Aujourd’hui l’« Eléphant » foule le sol nantais d’un pas lourd, et pousse parfois jusqu’au port de Nantes, pour accueillir le remorqueur du Belem, un bâtiment de la Marine nationale qui ramène le trois-mâts à Nantes et qui porte le même nom que lui.

Alors, la notion de patrimoine imaginaire s’éclaire dans le face à face de ces deux monstres nés au même endroit. « C’est une aventure en mouvement », sourit François Delarozière.

« Si on arrête la construction, ça n’a plus de raison d’exister. »

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