Le ministre du travail a remis, vendredi 7 septembre, le document d’orientation aux partenaires sociaux
C’est un court texte de quatre pages travaillé, peaufiné, ciselé. Aucun des partenaires sociaux auxquels il a été transmis, vendredi 7 septembre, ne l’a découvert en le recevant. Car pour donner toutes ses chances à la négociation sur la sécurisation de l’emploi, le ministre du travail, Michel Sapin, a en effet consulté cet été patronat et syndicats pendant des jours et des jours.
Le document d’orientation qu’il a mis au point ne comporte pas les mots qui fâchent, ceux de flexibilité ou d’accords de compétitivité-emploi. Mais il ouvre la voie à » une refondation équilibrée « du marché du travail qui évite les deux écueils de la » déréglementation « , rêvée par le patronat, et de la » surréglementation « , défendue, entre autres, par la CGT ou FO. Il ouvre des possibilités d’adaptation aux entreprises en difficulté, tout en réduisant la précarité qui pèse sur les salariés.
Les partenaires sociaux qui, depuis une trentaine d’années, ont négocié sur la modernisation du marché du travail, sans jamais conclure au niveau national des accords sur la » flexisécurité « , comme les Scandinaves ou les Allemands, sont désormais au pied du mur. En raison de » la gravité de la situation de l’emploi « , le gouvernement leur demande en effet de tout faire pour que leur négociation aboutisse avant la fin de l’année 2012.
Comme sur le contrat de génération, il rappelle aussi qu’en l’absence d’accord, il appartiendra aux pouvoirs publics de mettre en oeuvre les » changements législatifs et réglementaires « qui s’imposent. Chacun est donc prévenu.
La copie ministérielle n’aurait pas été possible sans la conférence sociale des 9 et 10 juillet. » A l’atelier emploi, il s’est vraiment passé quelque chose, explique-t-on de source gouvernementale. Les participants à la table ronde, Patrick Bernasconi – Medef – , Maurad Rabhi – CGT – , Laurent Berger – CFDT – ou encore Stéphane Lardy – Force ouvrière – , ont su progressivement se mettre d’accord sur un enjeu essentiel : comment faire moins de précarité tout en donnant plus de sécurité aux salariés et aux entreprises ? «
A partir du verbatim de tout ce qui avait été dit, le ministre du travail et son cabinet ont ensuite élaboré leur propre texte, en cherchant la voie d’un certain équilibre. » Renforcer la sécurité de l’emploi – au niveau individuel du salarié dans son parcours professionnel comme au niveau collectif de l’entreprise -, c’est nécessairement concilier : la protection et l’accompagnement des salariés (…), les marges d’adaptation des entreprises (…) particulièrement utiles pour surmonter les chocs conjoncturels ; un haut niveau de dialogue social dans les entreprises « , peut-on lire en préambule du document d’orientation.
Sur cette base, le gouvernement propose aux partenaires sociaux de négocier les quatre domaines suivants : lutter contre la précarité sur le marché du travail ; progresser dans l’anticipation des évolutions de l’activité, de l’emploi et des compétences ; améliorer les dispositifs de maintien dans l’emploi face aux aléas conjoncturels ; améliorer les procédures de licenciements collectifs.
Ces quatre domaines devront être traités dans une approche globale gagnant-gagnant. » Le document d’orientation ne fournit pas une « shopping list« , ironise-t-on au ministère du travail. La solution réside dans l’articulation de ces différentes problématiques de façon à équilibrer les plateaux de la balance. « Autrement dit, il ne sera pas possible de négocier sur les seuls accords de sauvegarde de l’emploi en refusant, par exemple, de traiter de l’encadrement du temps partiel subi…
Tous les sujets sensibles sont abordés : le rôle du contrat à durée indéterminée (CDI), » un meilleur partage – en amont des décisions – de l’information avec les institutions représentatives du personnel « , la mise en place d’un dispositif unifié d’activité partielle, etc.
Les accords collectifs de sauvegarde de l’emploi ou de compétitivité-emploi – aucun de ces deux termes n’est employé – seront encadrés de façon à apporter » des garanties juridiques « à la fois aux salariés et aux entreprises. Les partenaires sociaux devront notamment négocier sur » les conséquences, pour les salariés, du retour à une meilleure situation de l’entreprise à l’issue de l’accord « .
Patronat et syndicats sont invités à » clarifier et sécuriser les procédures – de licenciements collectifs – en favorisant le traitement le plus en amont possible « . Les questions centrales de l’intervention des tiers dans la procédure (services de l’Etat, recours à l’expertise, intervention du juge) et des délais devront être abordées. L’idée est de donner un rôle plus important à l’accord collectif dans les procédures, mais aussi aux services du ministère du travail. Sans que soit rétablie l’autorisation administrative de licenciement, les services du ministère pourraient apporter une forme de validation des procédures en cas d’accords collectifs, ce qui fermerait la possibilité d’un contentieux sur le motif économique d’un licenciement.
Les partenaires sociaux sont invités à » apporter une réponse aux situations dans lesquelles une entreprise qui envisage de fermer un site refuserait de considérer favorablement l’offre valable d’un repreneur assurant la pérennité de tout ou partie des emplois « . Sur ce point, le gouvernement proposera de toute façon une modification de la loi, que la négociation aboutisse ou non. Au patronat et aux syndicats de dire maintenant s’ils acceptent d’engager rapidement la négociation.
Claire Guélaud
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