Sarko aime bien le Front

 

Patrick Buisson, l’homme qui droitise Nicolas Sarkozy

LEMONDE | 24.03.11 | 12h20  •  Mis à jour le 24.03.11 | 15h12

 

 

Nicolas Sarkozy, le 14 décembre 2009, à l'Elysée.

Nicolas Sarkozy, le 14 décembre 2009, à l’Elysée. Reuters/PHILIPPE WOJAZER

« Si vous voulez combattre le Front national, utilisez des arguments de fond, plutôt que d’adopter des postures morales » : Nicolas Sarkozy a rappelé à l’ordre, mercredi 23 mars, ses ministres qui manifestaient des états d’âme sur la consigne donnée pour les élections cantonales : ni FN ni front républicain.

Le président agit par pragmatisme ou cynisme électoral : les sympathisants UMP ne veulent pas de consigne de vote, comme en atteste le sondage Harris Interactive publié jeudi 24 mars par Le Parisien. Surtout, le chef de l’Etat refuse de diaboliser l’électorat du Front national, dont il a besoin pour être réélu.

Il s’appuie sur deux conseillers curieusement réunis : le gaulliste social Henri Guaino, 54 ans, et l’ancien directeur de la rédaction de Minute puis Valeurs actuelles Patrick Buisson, 61 ans, qui baigne depuis l’enfance dans l’univers de Charles Maurras. Le premier incarna avec son mentor Philippe Séguin la fracture sociale de Jacques Chirac en 1995, le second prédit le non au référendum européen de 2005 et bluffa ainsi M. Sarkozy.

 

Patrick Buisson, en 1987 à Puteaux, à l'époque directeur du journal "Minute".

Patrick Buisson, en 1987 à Puteaux, à l’époque directeur du journal « Minute ».AFP/PIERRE VERDY

Au début de son quinquennat, M. Sarkozy déclarait « pour ma gauche, j’ai Guaino, pour ma droite, j’ai Buisson ». Aujourd’hui, tous deux sont opposés au front républicain et défendent la France du non, une France populaire qui souffre dans la mondialisation. Ils avaient aidé en 2007 le candidat UMP à siphonner les voix du FN et à attirer les classes populaires. M. Sarkozy croit pouvoir rejouer cette partition.

EXPLOITER LA PEUR DE L’IMMIGRATION

Lundi, à l’Elysée, avec ses conseillers, le président a examiné les résultats des cantonales. Le scrutin conforte les analyses de M. Buisson, qui arrive toujours bardé de notes et d’analyse de sondages : la société française connaît comme toute l’Europe un glissement à droite et une poussée populiste. La gauche ne progresse pas. Le vote du nord de la France montre que l’aile sociale de l’UMP, incarnée par Jean-Louis Borloo, ne fait pas de meilleurs scores que la droite dure. Il n’y a pas de demande centriste en France, comme le serine depuis des mois M. Buisson, qui n’a pas retourné notre appel.

Il faut donc pousser toujours plus à droite, toujours plus populiste. « Patrick Buisson recommande depuis plusieurs semaines de mettre la priorité sur l’immigration », explique un responsable de l’UMP. Certes, les classes moyennes et populaires sont insatisfaites, frappées par le chômage et la stagnation du pouvoir d’achat provoqué par la hausse des prix de l’essence et de l’immobilier. Mais M.B uisson estime qu’on ne gagne pas une élection sur un bilan ou des projets économiques et sociaux. Les électeurs ne feraient plus confiance aux politiques en ce domaine.

L’Elysée veut donc exploiter, diront les détracteurs, contrer, diront ses défenseurs, la peur de l’immigration que susciteraient, selon la droite, les révolutions arabes. M.Sarkozy a assisté impuissant à la visite de Marine Le Pen à Lampedusa. Il s’inquiète d’une opinion qui peut se retourner très vite sur la guerre en Libye. Il faut donc agir. Le nouveau ministre de l’intérieur, Claude Guéant, se campe en ministre de l’immigration.

INTOUCHABLE

Patrick Buisson est intouchable depuis la campagne présidentielle de 2007. En mars de cette année-là, le centriste François Bayrou monte dangereusement dans les sondages, Nicolas Sarkozy décide alors avec Patrick Buisson de donner un coup de barre à droite, en proposant la création du ministère de l’identité nationale. La manœuvre réussit.

Lorsqu’il lui remet la Légion d’honneur en septembre 2007, M. Sarkozy explique que c’est grâce à ce conseiller venu de l’extrême droite qu’il a été élu. Le chef de l’Etat lui propose un poste de conseiller spécial à l’Elysée. M. Buisson refuse, préfère rester dans l’ombre et facturer moult prestations et sondages, avant que la Cour des comptes n’y mette le holà. M. Buisson fait partie de ceux qui peuvent avoir au téléphone le président chaque jour. Il était l’un des rares à pouvoir faire passer des notes sans passer le filtre du secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant.

Quand tout va bien, M. Buisson est moins présent. Ainsi connut-il une éclipse, à partir de la présidence française de l’Union européenne, fin 2008, avant de revenir un an plus tard, en pleine polémique sur le fils du président, Jean Sarkozy, pressenti pour présider le quartier d’affaires de la Défense. « Lorsque le président se sent fragilisé, il appelle Buisson au secours », estime un ancien conseiller de l’Elysée.

ACCUSÉ DE DÉRIVES DROITIÈRES

Devant les responsables de l’UMP, M. Sarkozy s’est voulu rassurant : en 2002, Jean-Marie Le Pen avait créé la surprise deux semaines avant l’élection. Là, le choc se produit un an avant l’élection. L’Elysée juge difficile de contrer Marine Le Pen. Naguère, il suffisait de rappeler les déclarations de son père sur la Shoah pour clore le débat. Marine Le Pen, elle, évite soigneusement ces erreurs. En mettant en avant la divergence UMP-FN sur l’euro, Jean-François Copé a fait sauter un verrou : « On rentre dans le débat politique, alors que 50 % des Français ont voté contre à Maastricht », estime ce conseiller.

Patrick Buisson, qui plaida pour envoyer des signaux à l’électorat catholique, n’est pas à l’origine de tout. Bruxelles voyait la main d’Henri Guaino à chaque fois que M. Sarkozy prenait une décision jugée anti-européenne. De même, beaucoup accusent M. Buisson d’être à l’origine de toutes les dérives droitières. A l’Elysée, nul n’en doute : les décisions, c’est le président qui les prend.

Arnaud Leparmentier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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