Sortir du nucléaire, c’est possible!

 

Un choix de mode de vie

Il va de soi qu’en raison même du poids du nucléaire dans la production électrique française, on ne peut abandonner cette énergie du jour au lendemain. En tout état de cause, il nous faudra bien assumer l’héritage : il va falloir gérer le stock de déchets en évitant toute solution irréversible et assumer les coûts de démantèlement des installations. Mais est-ce une raison pour ne rien faire ou au contraire une raison supplémentaire pour agir dès aujourd’hui ? La vérité est qu’il est parfaitement possible de sortir du nucléaire et qu’il ne s’agit pas d’un choix technique, mais bien d’un choix politique, d’un choix de société, d’un choix éthique même, au cœur de la nécessaire réflexion sur notre responsabilité d’être humains à l’égard de nos semblables et des générations futures. Un choix de mode de vie qui questionne les finalités mêmes du système économique. Ce n’est qu’à titre secondaire un choix économique stricto sensu, dans la mesure où l’arrêt du nucléaire, même progressif, supposerait de profondes modifications de notre système de production, d’autant qu’il nous faut dans le même temps continuer de réduire le recours aux combustibles fossiles, changement climatique oblige.

Et sur ce plan, les scénarios de sortie du nucléaire sont bien documentés. Ils reposent tous sur un effort majeur en matière d’économie d’énergies, qui devrait y contribuer pour un bon tiers, et par un recours massif aux différentes énergies renouvelables, sachant qu’un recours temporaire au méthane serait sans doute nécessaire, ce combustible fossile étant le moins polluant en termes d’effet de serre. Un tel choix imposerait de lourds investissements (dans le bâtiment notamment) et des changements de nos modes de vie afin de réduire au maximum les mobilités subies pour ne pas avoir à sacrifier les mobilités choisies. Il faudrait également augmenter sensiblement le prix de l’énergie électrique. En partie parce que le coût de production de l’électricité issue de technologies renouvelables demeure aujourd’hui plus élevé que celui de l’électricité nucléaire (sachant que le débat reste ouvert sur les « vrais coûts » du nucléaire, qui sont en partie socialisés et qui risquent de l’être toujours plus à l’avenir, quand l’heure viendra de démanteler les centrales existantes). L’augmentation du prix de l’énergie a aussi pour objectif de modifier les comportements des consommateurs et des offreurs d’équipement, comme on l’attendait de la taxe carbone. Reste à rendre cette augmentation acceptable en veillant à ce que la hausse des prix ne punisse pas les plus pauvres. Il suffirait pour cela de pratiquer des tarifs progressifs et non dégressifs et d’aider massivement les ménages les moins aisés à réduire leur consommation domestique. En revanche, le recours aux renouvelables, dont la production est plus intense en main d’œuvre, profiterait massivement à l’emploi sur le territoire national, comme le montre l’exemple allemand où le développement de l’éolien et du photovoltaïque a déjà engendré plus de 350 000 créations d’emplois.

Il est accablant de constater qu’il faut qu’une catastrophe aussi dramatique que celle que subit aujourd’hui le Japon pour que le débat sur le nucléaire soit réouvert. Il est vrai que le choix nucléaire est au cœur du logiciel de l’Etat français. Au point qu’un quasi-consensus règne sur le sujet parmi les grands partis de gouvernement. C’est que le nucléaire civil s’inscrit dans un héritage moins économique que stratégique : il s’inscrit dans la saga gaulliste comme un élément majeur de l’indépendance nationale, dans la filiation de l’effort technologique qui a permis à la France de devenir une puissance atomique, un effort qui nous a permis historiquement de maîtriser le cycle du combustible. Même la DCNS, la direction des constructions navales en voie de privatisation, propose aujourd’hui de mettre sur le marché des mini-réacteurs construits sur le modèle des réacteurs nucléaires qui propulsent nos sous-marins, des mini-réacteurs qui seraient posés sur les fonds marins. En voilà une idée qu’elle est bonne ! Dommage qu’on ne puisse plus proposer à Kadhafi de nous en acheter un ou deux. Sans doute aurait-il été intéressé. Nos réacteurs ne sont-ils pas les meilleurs au monde, quoique un peu cher ?

Philippe Frémeaux
Article Web – 18 mars 2011
Cette entrée a été postée dans Non classé. Mettre en favoris le permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


*