Pourquoi Marine Le Pen monte?

L’ascension de Marine Le Pen dans les sondages s’explique en partie par les désillusions des électeurs de Nicolas Sarkozy, qui avaient cru dans sa promesse de protéger l’économie française des effets de la mondialisation. Refusant de remettre en cause son agenda libéral interne, il en est réduit à courir après le Front national sur de nombreux sujets de société, sans résultat.

Le grand succès de Nicolas Sarkozy, en 2007, avait été de faire reculer le Front national.  Son grand échec, aujourd’hui, est de le faire remonter. Contrairement à ce qui a été souvent dit, notamment à gauche, le candidat Sarkozy n’avait pas marginalisé le parti de Jean-Marie Le Pen en adoptant son programme. Il promettait certes de mettre la « racaille » hors d’état de nuire, mais il dénonçait aussi les discriminations subies par les jeunes issus de l’immigration. Nicolas Sarkozy avait surtout réussi à convaincre une partie de l’électorat populaire qu’il allait gagner la bataille de l’emploi, notamment de l’emploi industriel, et celle du pouvoir d’achat. A la différence de ses prédécesseurs, de droite et de gauche, qui invoquaient l’Europe ou la mondialisation pour justifier leur impuissance, Nicolas Sarkozy affirmait son volontarisme, sa capacité d’agir pour défendre l’économie française. Souvenez-vous : il dénonçait la pensée unique, critiquait les technocrates de Bruxelles, attaquait Jean-Claude Trichet responsable d’une surévaluation de l’euro nuisible à la croissance et à l’emploi. Enfin, cette protection promise vis-à-vis de l’extérieur permettait de se dispenser d’une forte solidarité interne, avec l’idée que les baisses d’impôts, en récompensant le travail, allaient « booster » la croissance et l’emploi.

La promesse s’est brisée sur le mur de la réalité. Nicolas Sarkozy, sitôt élu, a fait adopter le paquet fiscal qui a essentiellement profité aux plus aisés et dont les effets sur la croissance et l’emploi ont été nuls. En revanche, il s’est bien gardé de faire quoi que ce soit qui puisse fâcher nos partenaires européens, ou déstabiliser une économie française profondément insérée dans la mondialisation. Le recul de l’emploi industriel s’est poursuivi. La Banque centrale européenne est demeurée indépendante. Et, quand la crise est arrivée, Nicolas Sarkozy n’a pas rompu les amarres avec le capitalisme. Il a choisi, sagement, d’agir avec nos partenaires européens et au sein du G20. L’économie française est demeurée ouverte au grand vent de la mondialisation. Ce revirement aurait pu être compris, si, en contrepartie, et compte tenu des conséquences de la crise, des mesures fortes de solidarité avaient été adoptées sur le plan interne. Il n’en a rien été.

En résumé, Nicolas Sarkozy, bien qu’il n’ait pas tenu sa promesse de protection, totalement irréaliste, s’est refusé à en tirer les conséquences en renonçant à son agenda libéral interne. Il ne faut pas chercher plus loin le désamour dont il est l’objet. Rattrapé par la réalité, il ne peut plus promettre une rupture illusoire sur le plan économique, et se trouve réduit, pour tenter de se refaire une popularité, à courir après le Front national comme en témoignent ses dérapages répétés sur l’identité nationale, les Roms, ou encore l’Islam, des dérapages qui profitent surtout au Front national.

Or, que fait Marine Le Pen, dans le même temps ? La nouvelle présidente du Front national a rompu avec l’ultralibéralisme de son père et c’est elle, désormais, qui occupe la posture adoptée par Nicolas Sarkozy en 2007, la radicalité en plus. Elle tient un discours à la fois national et socialiste, dénonçant la finance cosmopolite, les technocrates de Bruxelles, et qui attend la fin du chômage de la fermeture des frontières et de la mise au pas de l’immigration. De quoi séduire une partie des déçus du sarkozisme.

Que faire ? Rappelons tout d’abord que la France ne pourrait se replier sur elle-même sans catastrophe majeure. Il faut donc continuer d’agir patiemment, au niveau européen comme au niveau mondial, pour assurer une meilleure régulation du capitalisme. Mais cela impose, au plan interne, de conduire parallèlement des politiques de solidarité fortes, pour réduire la précarité subie par les couches populaires et la peur de l’avenir éprouvée par les classes moyennes. La percée de Marine Le Pen doit faire comprendre aux partis de gouvernement, et aux couches sociales les plus aisées, qu’il est temps d’agir autrement qu’en paroles pour rétablir la cohésion sociale du pays, si nous voulons continuer à vivre dans une société libre et ouverte.

Philippe Frémeaux
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