Aubry n’est pas DSK et le prouve tous les matins
Gérald Andrieu – Marianne | Jeudi 3 Mars 2011 à 05:01 | Lu 2847 fois
Pendant plusieurs jours, DSK a occupé le terrain médiatique. C’est au tour de Martine Aubry de lancer une offensive. Une offensive qui renvoie l’image d’une candidate travaillant sur les idées, battant le pavé et la jouant collectif. En somme, la candidature d’Aubry (qui ne dit toujours pas son nom) est une sorte de photo en négatif de celle du camarade Strauss-Kahn.
Ses absences et ses trop longs silences lui sont souvent reprochés et voilà que Martine Aubry vient occuper l’espace quand personne ne s’y attend. Comment ? Par la grâce d’un livre qu’elle préface, Pour changer de civilisation, sorte de recueil programmatique publié aux éditions Odile Jacob dans lequel figurent les contributions de 50 intellectuels. Des intellectuels avec qui le PS a su renouer grâce au Laboratoire des idées qu’elle a lancé à son arrivée à Solférino et dont elle a confié les clefs au député de la Nièvre, Christian Paul.
Des idées, donc, et du terrain. Depuis quelques semaines, la Première secrétaire multiplie les déplacements thématiques : relocalisation, dépendance, logement, etc. Au fond de la cale moteur, les mains dans le cambouis, et dans le même temps, au poste de pilotage, les mains sur la barre du paquebot Solférino : tel est aujourd’hui l’image double qu’offre Martine Aubry. On peut y voir une offensive de la part de la Première secrétaire dans la course à la présidentielle. « Est-ce le projet du PS ou celui de la candidate Martine Aubry ? », lui demande d’ailleurs Le Monde daté d’aujourd’hui dans une interview accompagnant la sortie du livre. Une question qu’elle balaie d’un revers de la main comme elle le fait invariablement depuis sa prise de fonction : « C’est le projet pour faire gagner notre candidat, mais surtout le projet que la France et les Français attendent. »
Martine la besogneuse versus Dominique le médiatique ?
Aubry, c’est donc une candidature qui ne veut toujours pas dire son nom, mais qui tranche avec une autre candidature putative : celle de DSK. En tout cas, en termes d’image. À elle, le terrain, les idées, le collectif. Quand Strauss-Kahn apparaît, lui, un peu comme un candidat hors-sol. Il n’a pas battu le pavé français depuis des années, coincé qu’il est à Washington… Les idées ? Il en a, c’est certain, mais il se garde bien de les exprimer tout haut quand il s’agit de la France, coincé qu’il est par sa fonction… Le collectif ? Chacune des prises de parole de l’ancien ministre de l’Economie crée la division à gauche et jusque dans les rangs socialistes. Bref, Martine travaille quand la candidature Strauss-Kahn semble, elle, travailler surtout journalistes et sondeurs… Résultats des courses, il se dessine un duel avec d’un côté Martine la besogneuse et de l’autre Dominique le médiatique. De là à penser qu’Aubry est une candidate plus à gauche qu’il ne l’est, il n’y a qu’un pas que franchissent d’ailleurs beaucoup de Français. Le récent sondage CSA pour Marianne sur DSK est riche en enseignements. Il montre qu’il est à peine plus perçu par les sondés comme une personnalité de gauche (57%) que comme une personnalité du centre (52%). Par ailleurs, il apparaît plus comme le candidat de l’alternance que comme le candidat de l’alternative (46% des sondés contre 41% estiment qu’il « mènerait une politique proche de celle que mène actuellement Nicolas Sarkozy »).
Reste que lorsque l’on se penche sur le fond, la candidature Aubry laisse toujours aussi perplexe. À commencer par son attachement forcené à la théorie du care dont l’une des ambassadrices en France, la philosophe Fabienne Brugère, fait d’ailleurs partie des 50 contributeurs de Pour changer de civilisation. Dans Le Monde, le maire de Lille tente pourtant de rassurer ceux qui avait moquer la« société du bien-être » ainsi qu’elle préfère appeler le care dans ses discours : « Le care, c’est l’attention aux autres, explique-t-elle, le contraire d’une société dure et indifférente. » En somme, une sorte de projet en négatif de celui imposé aux Français par Nicolas Sarkozy depuis son accession au pouvoir. Après tout, pourquoi pas.
Sauf que lorsque Martine Aubry se fait plus précise sur les applications concrètes du care en matière d’éducation par exemple, elle finit par inquiéter : « Cela donne de nouvelles responsabilités à l’Etat qui doit personnaliser ses réponses. Et, pour nous, socialistes, c’est presque une révolution. Regardez l’éducation : longtemps, nous avons cru que l’école de Jules Ferry, avec les mêmes enseignants, les mêmes programmes, les mêmes moyens pour tous les élèves garantirait le succès de tous. Ce n’est pas le cas, car la société a changé. Pour amener chacun au plus haut, il faut accompagner chaque enfant avec ses difficultés mais aussi les richesses qui sont en lui, diversifier les pédagogies et les rythmes scolaires, encourager l’autonomie des enseignants, aider en priorité les établissements qui en ont le plus besoin. » Effectivement, il s’agit bien là d’une« révolution ». Car avec le care, Aubry met un coup fatal à l’universalisme républicain et propose de lui substituer une sorte de différentialisme… On est loin du discours aux accents républicains qu’elle avait prononcé en août dernier à La Rochelle. Les circonstances l’imposaient : il s’agissait de sa première prise de parole après le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy…
OUF ENFIN !!! Valoriser les personnes….