Géorgie: et si on en reparlait un peu!!

(Pirosmani)

   A voir et à lire : http://louisantoinelemoulec.com/photos/

Extrait d’un de ses articles :

  L’agonie économique géorgienneSix ans après la Révolution des roses, l’économie géorgienne est pourtant à l’agonie. Depuis 1990, 2 millions de Géorgiens auraient quitté le pays. Si l’on recense 4,4 millions de citoyens, une bonne partie d’entre-eux travaillerait en fait à l’étranger. Quant à leurs frères restés dans le Caucase, ils ne rêvent que d’expatriation et d’emploi. Malgré des politiques économiques et fiscales ultra attractives et volontaristes, les investisseurs ne se bousculent pas encore au portillon.
  Le coup de grâce restera l’embargo russe de 2006. Le marché russe représentait alors 80% des débouchés à l’export sans réelle exigence de qualité tant les produits géorgiens étaient populaires en URSS et compétitifs en termes de prix. Bien que celui que l’on surnomme Misha (Mikhaïl Saakachvili, ndlr) remercie publiquement le premier ministre russe Vladimir Poutine pour cet embargo qui a permis de redynamiser l’économie géorgienne en la sortant d’une situation de quasi rente, la situation économique reste très critique. L’économie du vin, seconde ressource du pays après les eaux minérales, en pâtit énormément. Dans la grande région vinicole de Kakhétie, dans la plaine au pied du Grand Caucase, à l’Est du pays, on vide annuellement depuis trois ans les cuves de vin à l’égout afin de pouvoir stocker les récentes vendanges. La compagnie GWS (Georgian Wines and Spirits), propriété du géant français de vins et spiritueux Pernod-Ricard depuis 2007, serait d’ailleurs en vente.  

 Nostalgie au goût de Tchatcha
  Pour beaucoup de Géorgiens, la tentation nostalgique est grande… « La Géorgie avait l’image d’un parc d’attraction où tout le monde chantait, dansait et festoyait ! Mais le reste de l’Union était tellement gris », raconte Elene, trentenaire active vivant à Tbilissi, la capitale.
  A l’époque soviétique, grâce à son climat la Géorgie exportait fruits, légumes, vins et eaux minérales à travers tout l’Empire. Si ce n’était pas le paradis cela s’en rapprochait au regard de la situation dans les autres républiques soviétiques. « Je me souviens qu’avec mon père on allait à Moscou sur Aeroflot dans la journée pour manger un bortsch. On emportait une valise pleine de mandarines ou de citrons que l’on vendait en une demi-heure à une bouche de métro. On vivait bien à l’époque. Certes, aujourd’hui il y a beaucoup plus de produits et de libertés mais à quoi ça sert quand on n’a pas les moyens financiers d’y accéder. », témoigne Lacha, 30 ans, qui bien qu’il se défende d’être nostalgique du système rouge semble regretter le confort économique de l’époque.

  Emigrer pour travailler
  Aujourd’hui, l’anglais est la priorité pour tous. Les jeunes apprennent les langues étrangères, comme à l’époque soviétique, mais avec pour seul objectif de s’expatrier. Une économie de l’exil reposant sur la diaspora semble se mettre en place. C’est depuis longtemps le cas du voisin arménien qui vivote sous perfusion de la puissance économique de sa diaspora installée en Europe et aux Etats-Unis. Pour beaucoup de Géorgiens, pour qui le Président n’a plus sa place, le sentiment que le pays est vendu un peu plus chaque jour est très grand.
  Dernière initiative présidentielle en date, l’opération séduction envers l’Organisation des fermiers d’Afrique du Sud. Le souhait gouvernemental est d’attirer les grands propriétaires terriens Boers afin qu’ils cultivent la terre et investissent dans l’agriculture. Du coté du BTP, la majorité des grands chantiers sont réalisés par des compagnies turques employant pour l’essentiel des ouvriers Turcs. Qu’il s’agisse des routes, aéroports ou projets de verre, les grands chantiers ne génèrent directement ni emploi, ni croissance.
 

 La Turquie, oasis économique
Certains sont dupes. Beaucoup ne le sont pas. « Je travaille à Istanbul 87 jours, le temps de mon visa, puis je reviens une semaine avant de repartir (…) J’ai deux enfants à nourrir. Et puis, la Géorgie, même si c’est mon pays, il ne s’y passe rien. », explique Tamar, 42 ans, originaire de Roustavi, la seconde ville du pays, soviétique et aujourd’hui totalement sinistrée. Tamar semble accuser le poids des années et du labeur telles qu’en témoignent les rides qui entourent son visage. Le sourire semble aider à surmonter les angoisses du quotidien. Dans le bus qui la conduit à la mégalopole turque, les travailleurs géorgiens sont nombreux, tout le monde se connaît plus ou moins.
  A l’annonce du passage imminent de la frontière à Sarpi, tout le bus commence à échanger sur les questions de visa, d’enregistrement sur place, de conditions de travail. Les différences culturelles sont passées en revue entre la puissance économique laïque mais profondément musulmane qu’est la Turquie et la Géorgie contemporaine chaque jour plus chrétienne orthodoxe. Une partie du bus va régulièrement acheter des produits manufacturés pour alimenter son business. L’autre s’y rend de manière récurrente pour travailler. Tamar, institutrice de formation et turcophone, y a déjà travaillé comme serveuse, ouvrière dans l’industrie agroalimentaire, assistante maternelle. Pour le moment elle ne sait pas où elle travaillera demain.
  Zaza a 53 ans. Raviné par les années, le tabac et l’alcool. Il a navigué au commerce sur des compagnies soviétiques puis, de fait après la chute de l’URSS, sur des compagnies géorgiennes. Mais depuis 2005,  le chômage est son quotidien. Le président Mikhaïl Saakachvili avait décidé de vendre la flotte de commerce géorgienne basée à Batoumi qui possédait 56 cargos. « Sur les compagnies étrangères aujourd’hui il faut parler anglais, ce qui n’est pas mon cas. En plus, ils disent qu’ils n’embauchent personne après 45 ans, mais c’est faux ! On peut naviguer au delà de 60 ! C’est pour ça que tout le monde quitte le pays, il n’y a plus de travail ici. », explique-t-il, désabusé.  

Des sommets enneigés aux cinquantièmes rugissants
  Dato, lui, n’a que 17 ans. Il a choisi la mer parce que c’est romantique. Montagnard, comme tous les Géorgiens, il commence ses études à l’Université maritime de Batoumi. Après trois ans d’études sanctionnés par un stage pratique sur une compagnie de la mer Noire, Dato deviendra mécanicien et partira travailler, comme tous ses camarades, sur une compagnie étrangère à l’international. Il pourra alors subvenir aux besoins de sa famille restée au pays et pourra constater par lui-même si la mer est plus romantique que les sommets enneigés du Caucase.

Cette entrée a été postée dans International. Mettre en favoris le permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


*