Ghislaine Ottenheimer, rédacteur en chef à Challenges
Un Sarkozy pas très président
Le président a rapetissé! Il ne s’agit pas de s’adonner à une activité très en vogue : le « sarko bashing » systématique. L’impatience, la désillusion, l’angoisse, les difficultés sont telles que le chef de l’Etat, quoiqu’il fasse, il est accablé de critiques. Qui plus est, avec les voyages tous frais payés de Mam en Tunisie, de François Fillon en Egypte, et de Nicolas Sarkozy au Maroc, lors des fêtes de fin d’année, la majorité traverse une très mauvaise séquence. L’attitude des principaux dirigeants politiques a réactivé l’effet bling-bling-yacht-de-Bolloré. Une vraie cata. Cela ne donne pas vraiment envie de « tirer sur l’ambulance », comme disait Françoise Giroud.
Cela dit, comment ne pas porter un regard affligé sur l’émission de TF1 jeudi soir. Alors que le chef de l’Etat tente de se « représidentialiser », en deux heures et demi, il a rapetissé à vue d’œil. Il n’était pas président mais ministre-shiva. Tour à tour, ministre de l’Education, de l’Emploi, de la Dépendance, de l’Agriculture, de l’Intérieur… Dans une atmosphère de café du commerce, ennuyeuse à périr.
Quelle erreur de stratégie de communication. Les émissions confrontant un dirigeant politique à des Français ordinaires n’ont jamais fonctionné. Nicolas Sarkozy, lui, est persuadé que c’est un exercice à sa mesure. En 1994, il avait réussi à sauver la mise à son Premier ministre Edouard Balladur en lui organisant, en pleine crise du CIP (contrat d’insertion professionnelle, une sorte de SMIC jeunes), une émission sur TF1, avec des Français sélectionnés par la Sofres ! Mais si les manifestations s’étaient arrêtées, c’est parce que le gouvernement avait renoncé au CIP. Là Nicolas Sarkozy n’a rien annoncé : ni avancée, ni recul. Il a juste fait part de ses bonnes intentions.
Le chef de l’Etat aurait certainement gagné à prendre de la hauteur. En comparant la situation de la France au regard de ce qui se passe en Espagne ou en Grande-Bretagne. En donnant des perspectives. En insufflant un peu d’espoir. En rappelant les efforts réalisés pour la recherche et l’Université. En défendant sa gouvernance européenne. En se montrant convainquant dans ses intentions de rebâtir un système fiscal juste et efficace…
A trop ignorer les structures qui permettent à la République de fonctionner, avec des rôles bien définis, à s’affranchir des intermédiaires (Premier ministre, ministres, parlement, corps constitués …), à vouloir occuper toutes les fonctions en même temps, Nicolas Sarkozy disperse ses forces, affaiblit son discours. Cette prestation ne suffira pas à inverser les sondages. Seul motif de satisfaction : les Français, pour l’heure, ne croient pas que l’opposition ferait mieux. Triste consolation.