l’indépendance de la justice menaçée

Le Point.fr – Publié le 07/01/2011 à 19:04

Le procureur général de la Cour de cassation s’alarme des « coups portés » à la justice

Dans son discours de rentrée, Jean-Louis Nadal a eu des mots très vifs en faisant notamment allusion aux prises de position du chef de l’État.

Par Denis Demonpion

Le procureur général de la Cour de cassation Jean-Louis Nadal n’a pas mâché ses mots, vendredi, lors de la rentrée solennelle de la plus haute juridiction, estimant que la façon dont la justice est « brocardée » par les plus hautes autorités politiques constitue « un véritable sujet d’alarme ». Même « s’il n’est pas récent, le phénomène ne laisse pas d’inquiéter quand, à cette institution fondamentale de la République et de la démocratie, les coups sont portés par ceux qui sont précisément en charge de la faire respecter », a-t-il lancé.

Sans le nommer, mais faisant clairement allusion aux prises de position de Nicolas Sarkozy sur de récents faits divers, Jean-Louis Nadal s’est demandé où étaient les « repères quand celui qui rappelle que l’accusé a des droits encourt le reproche d’avoir choisi le camp des assassins contre les victimes ? » Puis, en référence aux manifestations de policiers après la condamnation de sept d’entre eux par le tribunal de Bobigny et les vives critiques du ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux contre les juges, le procureur général a déclaré : « Par quelles dérives certains de ces représentants se permettent-ils d’en appeler à l’opinion contre ces mêmes magistrats quand ils prennent une décision qui déplaît ? » « Et le scandale n’est-il pas encore plus grand quand ces protestations politico-corporatistes sont relayées au plus haut niveau, au mépris du fondamental principe de séparation des pouvoirs », a-t-il ajouté. Prenons garde à l’instrumentalisation de la justice ! », s’est exclamé Nadal. En termes moins vifs, le premier président de la Cour de cassation Vincent Lamanda avait, lui aussi, un peu plus tôt appelé au « respect des décisions juridictionnelles » plutôt que d’inciter le citoyen à « maudire son juge ».

Abordant les réformes de la procédure pénale en cours et la décision de la cour de Strasbourg qui a estimé que, compte tenu de son lien de subordination avec le pouvoir politique, le parquet ne pouvait être considéré comme une autorité judiciaire, Jean-Louis Nadal a estimé que « le parquet est maintenant proche d’un état de coma dépassé ». Il a ainsi déclaré que pour éviter toute suspicion « la seule solution est de couper tout lien entre l’échelon politique et le parquet pour ce qui concerne les nominations ». Il souhaite que le Conseil supérieur de la magistrature procède à leur nomination, et pas le pouvoir politique, comme c’est le cas actuellement. Il a aussi préconisé comme garantie supplémentaire de la justice que les juridictions aient une gestion « autonome » et que leur budget soit « distinct » du ministère de la Justice.

Cette entrée a été postée dans Démocratie. Mettre en favoris le permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


*