Un maire en pleine tempête

 Vent du matin / mercredi 3 mars par Jacques-Marie Bourget 

Un peu oublieuses des recommandations des directions départementales de l’équipement, les mairies vendéennes ont pris la tempête en plein dans le chouan…Au moins, les maisons ont-elles vraiment les pieds dans l’eau…

René Marratier est un patron routier sympa. Il porte une jolie moustache et une grosse chaîne d’or autour du cou. C’est aussi, depuis 1989, le maire de La Faute-sur-Mer, la station maritime décapitée par tempête et marée, ce week-end.

René Marratier est un maire moyen, je veux dire le prototype du type qui dirige votre village. Il pourrait être le vôtre. Et comme cet élu aime ses administrés, il ne leur veut que du bien. Ainsi, en octobre 2008, quand la Direction Départementale de l’Equipement de Vendée s’inquiète (pour que la pénarde DDE s’inquiète il en faut beaucoup), se préoccupe de l’avenir de La Faute-sur-Mer, le bon René Marratier conteste les fonctionnaires de mauvais augures. Point d’histoire.

Le fautif maire de la Faute-sur-mer

A Nice, en ce début d’automne 2008, lors des « Journées du Génie côtier », Stéphane Raison ingénieur à la DDE de Vendée, présente l’ épineuse situation de La Faute-sur-Mer et celle de sa voisine l’Aiguillon : « La conjonction de deux phénomènes, de crue dans l’estuaire du Lay et de submersion marine pourrait avoir un impact très important sur le zones densifiées à l’arrière d’un réseau de digues vieillissant ». Stéphane parle de raison. Dit sans le dire tout en le disant, en mots gentils et savants, «  Ici ça craint gravement ».

Et voilà qu’à l’époque, sur l’écran noir de nos nuits blanches, celui de France 3 Pays de Loire, apparait le bon René Marratier : «  Comment, comment ! De mémoire de citoyen d’ici on n’a jamais vu une goutte d’eau mouiller nos bottes. On ne peut interdire à de braves gens, qui se sont saignés pour avoir leur maison, ici d’y vivre… ». Le préfet et sa DDE peuvent aller faire digue ailleurs, pourquoi pas à côté, de Nantes à Montaigu : Marratier, décentralisation dans la décentralisation, est maître chez lui.

 

Le bon roi René ne veut détruire ses châteaux d’été

Le bon roi René croit défendre la sécurité des êtres en la confondant avec leurs biens. C’est mieux que rien. Imaginez Marratier envoyant les pelleteuses contre tout ces «  Ca me suffit », ces si modestes pavillonnettes de mer ? Impossible. Et dites-moi, après un coup comme ça, comment être réélu ? Donc on tergiverse. Finalement une bande de 50 mètres, le long de la digue, sera désormais inconstructible. Mais les maisons qui sont déjà là, et bien on les laisse. Inch’Allah prient ces vendéens, ce qui est insane, si près du donjon du marquis de Villiers.

 

Au début du XXe siècle il n’y avait pas un chat dans cette pointe de La Faute, normal puisqu’il n’y avait pas un homme. Dans son antique sagesse, lui savait qu’il ne fallait pas s’installer là. C’est après la Grande Guerre que quelques villas ont poussé. En 1930, à la suite des tempêtes de 26 et 29, on a construit un réseau de digues, puis, petit à petit, mit des gens derrière elles : « 3 000 maisons et 40 000 habitants en été », disent les horribles de la DDE. Ils devaient être contents, les Fautais, de vivre dans cette sérénissime Venise vendéenne… Attendaient-ils que Pinault leur construise un musée ? Cet enchaînement de la bêtise est tragique. Des hommes sont morts sans jamais avoir eu le sentiment de prendre un seul risque. Qu’un hollandais habite sous le niveau de la mer ? Il n’a pas le choix ? Mais à la Faute ou l’Aiguillon, à quoi bon le polder…

Quand la flotte monte ou que roulent les avalanches, regardez les images à la télé, il est très rare que l’eau ou la neige bousculent des murs anciens. Non, on voit toujours le modeste travailleur qui pleure après sa machine à laver boueuse, ou désormais perchée sur le toit du voisin.

Entasser le populo sur les rives débordantes

Mais qui l’a mis ici, l’employé courageux et en larmes ? Son bon maire, pas même corrompu, qui veut du monde autour de lui, des commerces, maintenir le nombre des classes à l’école et gonfler les muscles de la Communauté de communes. Alors on entasse le populo dans des cuvettes qui attendent l’eau ou sur des rives débordantes. Ensuite, comme à Segré (49), on va casser les pieds des paysans, faire des barrages dans leurs champs afin que les crues ne viennent plus vomir dans les si jolis lotissements. Notez, en passant, qu’il est heureux que peu de maires habitent dans ces endroits-là. L’élite est sauve.

Jadis à Chamonix, on a vu sur la carte de prévision des risques, un tracé d’avalanche faire magiquement le tour d’un terrain, pourtant placé au beau milieu du front de la coulée. Ne cherchez pas, un ami de la mairie, ou un élu, était le propriétaire de la parcelle enchantée. Constructible, bien sûr.

Heureusement, cette frénésie du lotissement, si sauvage, se calme pas mal. Depuis que des maires, ces maîtres du permis du construire, se retrouvent devant les tribunaux après la catastrophe. Alors que, le plus souvent, la seule chose que l’on devrait laisser aux édiles, pour leur éviter la pression immobilière, c’est la construction des cimetières.

 

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