« Le petit notable »

Je voudrais célébrer l’un des maux qui accablent

nos villages mourants – c’est le petit notable

il est maire ou patron, conseiller général

ou les trois à la fois, c’est en France, banal 

 

il est petit petit dans tous les sens du terme

il est vieux avec tout ce que ce mot renferme

de rance et renfermé. gros ou maigre, il est gras

rien par où l’attraper, il glisse entre les doigts

 

"Je voudrais exprimer ma satisfaction"

tels sont les premiers mots, en toutes occasions…

tout meurt autour de lui, les jeunes sont partis

les usines ont fermé, tout va très bien… pour lui


les pauvres petits sous de ses contribuables

servent ses grands projets "urgents – indispensables!"

des lampadaires, un golf, qu’il va inaugurer

"je suis très satisfait, mes chers administrés!"

 

"satisfait", car il vit de grands mots et d’embrouilles

la mairie est sa mare, il en est la grenouille…

sûr de faire la pluie et le beau temps local

il s’agite beaucoup au fond de son bocal 

 

il parade et se gonfle au milieu de la place

trouve un mot pour chacun, promesse ou bien menace

de chacun, il connaît les failles et les secrets

tient à jour son courrier, ses fiches, ses dossiers

 

il brandit le drapeau ou bien le linge sale

dans ses urnes truquées, toutes les voix se valent…

il manie en malin les pressions, les faveurs

tout est bon pour tenir en main les électeurs

 

"Votre fils est en fac? Bien, j’en fais mon affaire!

Il aura une bourse! – Merci, Moniseur le Maire!"

c’était automatique, votre fils y avait droit

le maire le savait, vous ne le saviez pas

 

il enterre, il marie, dispose des gendarmes

il se sert de vos joies, il se sert de vos larmes…

le préfet – le pouvoir! – le méprisent et en jouent

"Il est l’élu du peuple et c’est tant pis pour vous!"

 

chaque 11 Novembre, il nous vante la guerre

le quatorze juillet, il ne peut pas se taire!

dur avec les petits, piteux devant les forts

il n’est jamais si bien qu’au monument aux morts

 

il cache ses pensées, sort son vocabulaire

Tartuffe et Tartarin, il se veut populaire…

"Un pastis pour les hommes! aux dames un quinquina!"

il rêve de la chambre et même du sénat

 

chaque nuit en avare, il recompte les votes

pour untel, le bâton, pour l’autre la carotte

il grenouille à tout va, l’animal n’est pas neuf

"la grenouille qui veut grossir comme le boeuf!"

 

il n’est même pas sûr qu’il soit très malhonnête

alors pourquoi toujours se monte-t-il la tête?…

pour qu’on parle de lui, pour sortir du troupeau

pour être au premier rang, toujours sur la photo

 

j’ai connu un vieux fier, de la race huguenote

je l’ai vu hier marcher vers le bureau de vote

tout courbé, tout cassé, grondant les poings serrés

"Je vais voter pour lui" le pauvre vieux pleurait …

 

"Le petit notable", paroles de Jean-Pierre Chabrol, chanté par Jofroi

Tout ressemblance… 

Cette entrée a été postée dans Art / Culture. Mettre en favoris le permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


*